mardi, septembre 20

Pet Shop Boys - Super (IV)

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11. Burn (3m53s) - 10/10

Nous arrivons ici au point de cette chronique où je dois humblement avouer que je vous raconte, consciemment ou inconsciemment, n'importe quoi depuis trois pages. Je vous ai dit que c'est en utilisant son registre grave que Neil parvenait encore à me toucher et bien ici, il chante dans son registre le plus haut et c'est formidable. Je vous ai aussi dit que l'album n'était jamais aussi bon que quand il s'éloignait des canons de la dance formatée pour les clubs, faisait passer le beat en arrière-plan et osait jouer sur la subtilité et les mélodies ciselées pop, et bien ici, on est en plein dans le cœur de cible dance pour voitures décapotables et trance pouèt-pouèt de la seconde moitié des années 90 et c'est formidable.

Pourquoi ? Je n'en sais rien. Tout ce que je peux vous dire est que je pourrais passer des heures à chanter 'We're gonna burn this disco down before the morning comes' et à sentir le coup de timbale qui suit me traverser le corps dans un "eargasm" sans cesse renouvelé.

C'est cela aussi se coltiner à des œuvres: accepter de ne pas comprendre ce qui fait qu'elles nous parlent ou pas et admettre les contradictions qu'elles révèlent en nous. Je suis complètement sans défense face à l'euphorie tribale que génère ce morceau. C'est ainsi. Il faut l'accepter. Malgré tous les efforts de mon surmoi hypertrophié, mes plus bas instincts ont besoin parfois de trouver leur exutoire. C'est (comme) ça.

Il faudra d'ailleurs que je vous cause un jour de ma nouvelle manière de me dandiner sur ma chaise. Depuis quelques semaines, quand j'écoute un disque et que le démon de la danse me tenaille, mes bras sont devenus mobiles : des épaules au poignets, tout se désarticule et bouge dans tous les sens, sans considération aucune pour la symétrie, la bienséance et la dignité.  Ma gestuelle flirte même dangereusement avec le ridicule, à tel point que j'ai dû me résoudre à masquer la caméra de mon portable, de peur qu'un hacker mal intentionné ne me transforme en meme viral.


12. Into Thin Air (4m17s) - 9/10

Après cette incroyable célébration de l'instant présent, de l'oubli qu'il est possible de trouver dans l'ici et le maintenant, de la capacité de la musique de nous soustraire pour un temps au monde qui nous entoure, le caractère désespérant de ce dernier se rappelle à nous dans ce dernier morceau où Neil chante son envie de s'évanouir dans l'air et de disparaître. Je retrouve dans ce morceau la veine gentiment expérimentale (disons aventureuse plutôt, vu que le terme expérimental, employé à tort et à travers depuis  un demi-siècle, ne veut plus dire grand chose dans un contexte musical) que peut parfois prendre la musique des Pet Shop Boys (de The Sound of The Atom Splitting à Boy Strange en passant par Legacy). Après une introduction aux confins de le drum'n'bass, Neil chante une mélodie désespérée, rêvant d'un ailleurs indéfinissable. A 2m43s survient le deuxième instant de grâce de l'album, 23 secondes de pur bonheur auditif que je serais bien en peine de vous décrire (z'avez qu'à écouter aussi, bande de feignasses si vous voulez savoir à quoi ça ressemble). La chanson se termine par un ralentissement progressif de la pulsation, comme si les vœux exprimés dans les paroles étaient sur le point d'être exaucés. Tout cela pourrait sembler morbide mais en fait non, cette chanson sur l'envie d'en finir est étrangement euphorisante.


Tout comme cet album qui représente pour moi une vraie bonne surprise. Ce groupe que j'avais cru perdre il y a trois ans, je le retrouve si pas totalement au sommet de son art (Super n'est pas Behaviour ou Fundamental) en tout cas en bien meilleure forme que je ne l'avais craint, avec un moyenne arithmétique de 7,7/10 sur l'ensemble des douze morceaux.

Neil Tennant, Chris Lowe et Stuart Price, s'ils continuent à exploiter le filon dance qui leur avait si bien réussi (commercialement parlant) avec Electric, ne s'enferment pas pour autant dans un carcan. Des chansons comme The Dictator Decides, Sad Robot et Into Thin Air montrent que leur volonté de défricher et de surprendre reste intacte. Mieux, quand ils décident d'utiliser les outils de la dance music, ils le font le plus souvent avec une certaine subtilité, en ne mettant pas la pulsation trop en avant et en n'abusant pas des sonorités typiquement trance, euro-dance tellement familières des amateurs du genre qu'elles en deviennent la roue de secours des DJs en manque d'inspiration

Aujourd'hui, je retrouve donc avec joie mon deuxième groupe préféré du monde. Je ne suis pas sûr si c'est parce qu'ils se sont à nouveau ralliés à mon (bon) goût inamovible et indiscutable ou si c'est moi qui, supportant mal l'instance de séparation qu'avait représenté le précédent album, me suis inconsciemment réconcilié avec le genre de musique qu'ils ont envie de produire en ce moment. Sans doute un peu des deux. Super me paraît indéniablement moins rentre-dedans et plus varié qu'Electric mais il est sans doute vrai aussi que j'aurais moins facilement excusé une chanson comme Say It To Me il y a cinq ans.

Pour paraphraser une prière très populaire aux Etats-Unis : "We need to accept the things we cannot change, the courage to change the things we can, and the wisdom to know the difference." Comme Neil et Chris se foutent allègrement de ce que je pense, il fallait bien que je fasse le premier pas. Je l'ai donc fait. Ma grandeur d'âme est admirable !


Pet Shop Boys - Super (III)

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7. Inner Sanctum (4m18s) - 8/10

C'est avec ce morceau que le groupe avait annoncé la sortie de Super, tout comme Axis avait annoncé celle du précédent album Electric. Il s'agit d'un morceau quasiment instrumental qui annonce bien le thème général de l'album : les joies du clubbing (les rares paroles sont d'ailleurs essentiellement un prolongement de celles de Groovy). Ce qui me plaît dans ce morceau est que durant les trois premières minutes, bien qu'il s'agit indéniablement d'un morceau orienté dance-floor, la pulsation en est absente ou à tout le moins très en retrait dans le mix. J'aime bien quand la dance music se fait ainsi plus subtile, et laisse l'auditeur libre d'interpréter les stimuli auditifs et d'élaborer à sa guise les mouvements de son corps que ces stimulis lui inspirent. Chacun peut bouger sur Inner Sanctum à sa manière (voire ne pas bouger du tout, la bonne musique dance est celle qui peut aussi simplement s'écouter). La seconde moitié du morceau délaisse un peu ces contrées minimales pour une construction trance plus classique (on n'est plus très loin de Paul Oakenfold et consorts à partir de 2m23s) mais cela ne dure pas longtemps et se trouve en partie justifié par le contraste avec ce qui précède.

8. Undertow (4m15s) - 8/10

Je ne suis pas sûr de pouvoir expliquer pourquoi mais ce morceau sonne pour moi extrêmement rétro. J'ai l'impression qu'il aurait pu se trouver sur Please, le premier album du groupe en 1986. La manière dont couplet et refrain se répondent, les intonations de Neil, tout me ramène à la genèse du groupe, à une époque où ils relevaient exclusivement de la pure pop et, effectivement, Undertow est sans doute la chanson de l'album la plus éloignée des dance-floors

Peut-être est-ce aussi en partie dû au fait que thématiquement, cette chanson vient enrichir le propos de morceaux anciens comme Love Comes Quickly (l'amour débarque sans prévenir et finit toujours par vous atteindre) et Love Is A Catastrophe (l'amour fait et finit mal) en y ajoutant une nuance de danger (l'amour est un courant marin qui vous emporte malgré vous vers le large, loin du confort et de la rive et risque si vous n'y prenez garde de vous entraîner au fond de l'océan). La discographie du groupe contient ainsi quelques groupes de chansons qui, sur trente ans, se répondent et se complètent (cfr aussi ce que j'appelle leur veine autobiographique : Opportunities, To Step Aside, Shameless, Samurai In Autumn, Invisible,....). C'est entre autres choses ce qui fait la richesse et assure la cohérence de leur oeuvre et m'autorise à penser que, contrairement à beaucoup d'autres groupes pop, les Pet Shop Boys font oeuvre d'auteurs.

9. Sad Robot World (3m18s) - 7/10

Changement d'atmosphère complet. La pulsation ralentit, l'atmosphère se fait ici glaciale, métallique, pleine d'échos et de silence, la description d'un monde de machines et de robots qui n'est pas sans rappeler les premières minutes de Wall-E. J'aime particulièrement la manière dont les mots 'Sad Robot' sont chantés d'une voix claire et aiguë, alors que le 'World' est murmuré d'une voix grave, brouillant la frontière entre "robot triste" et "triste monde robotisé" et transformant ainsi cette description de notre société moderne en le portrait psychologique d'un automate doté de sentiments et souffrant de sa solitude.

Les Pet Shop Boys ont déjà produit sur de tels prémisses sonores des chansons majeures (Luna Park pour ne citer qu'elle). On n'atteint pas ici tout à fait les mêmes sommets, malgré un joli petit intermède instrumental à 2m04s. La mélodie est trop évidente, retombant à la fin de presque chaque phrase sur les notes de tonique et de dominante (ou en tout cas des notes qui n'appellent pas de résolution, je ne vais pas trop m'avancer dans l'analyse) et ne parvenant donc pas à construire un discours sur plusieurs strophes, à générer du mystère. La pesanteur rattrape un peu trop facilement ce qui aurait dû être une chanson en suspension. Quant à la question de savoir pourquoi il me semble évident qu'une chanson sur la robotique devrait être suspendue dans l'éther, je suis sûr qu'elle passionnerait mon éventuel analyste.

10. Say It To Me (3m08s) -  6/10

De toutes les chansons de Super, c'est celle qui me semble retomber le plus dans les facilités du précédent album, avec cet enchaînement sans âme de grosses ficelles dance. A peu près tous les éléments sonores de cette chanson pourraient se retrouver à l'identique sur une compile "Total Ibiza 24 (42 Massive Balearic Bangers)" de 2001. Je n'y retrouve pour ainsi dire rien de l'univers du groupe. Même le texte (sur l'impénétrabilité de l'être aimé, dont les pensées et les sentiments les plus profonds nous restent inaccessibles) est d'une grande platitude. Bon, cela dit, si on accepte de n'y voir qu'un morceau de dance générique, il se situe dans une moyenne honorable, quelque part dans le deuxième cinquième du catalogue de David Guetta, mais y a-t-il là de quoi se réjouir ?

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Pet Shop Boys - Super (II)

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3. Twenty-Something (4m21s) - 8/10

Pour autant que je puisse juger des paroles, assez elliptiques, la chanson s'adresse à la deuxième personne aux duogénaires/vingtenaires démarrant leur vie adulte dans une grande ville (comme Londres), que ce soit les jeunes loups de l'économie numérique vivant la grande vie ou ceux qui galèrent dans de petits boulots. Les uns comme les autres doivent trouver leur voie dans un monde où l'individualisme, la superficialité et l'esprit de lucre dominent. Certes, cela n'est pas l'analyse sociologique la plus fine qui soit (le Nouvel Obs a sans doute ficelé en deux jours un dossier sur le même sujet durant l'été 2003) mais il y a une certaine logique à exprimer tout cela par des phrases courtes qui s'enchaînent comme des légendes Instagram.

Musicalement, c'est le premier exemple de construction duale, couplets et refrains composés sur le mode de l'opposition mélodies plates/escarpées, montantes/descendantes, beats insistants/en retrait, rapide/lent,.... (je soupçonne aussi une modulation mais mon oreille musicale n'est pas assez sûre pour que je puisse en jurer). La chanson commence par un riff de synthé dont le caractère bondissant et enjoué frôle la caricature, mélodie autour de laquelle s'enroule le chant de Neil. Suit alors une section où la mélodie se fait plus étale, plus mystérieuse tandis qu'en arrière-plan des voix (sans doute synthétiques) se mêlent dans un enchaînement harmonique ascensionnel qui suscite cette euphorie triste qui caractérise les meilleures chansons du groupe. Le seul reproche que je pourrais faire à cette chanson est le caractère trop insistant de la batterie, qu'ils ont cependant le bon goût de faire totalement disparaître pendant un couplet (à moins que ce ne soit un refrain, différencier couplet et refrain dans ce morceau me semble essentiellement arbitraire)

4. Groovy (3m29s) - 6,5/10

Une des conséquences de la StuartPricisation de la musique des Pet Shop Boys est la multiplication de ces morceaux qui sont plus des intermèdes instrumentaux que des chansons à part entière. Ici, malgré une longueur tout à fait respectable et deux couplets, le morceau n'est clairement qu'une respiration entre deux chansons plus ambitieuses. Neil y recycle la voix volontairement geignarde qu'il utilise depuis The Only One pour se moquer des personnages ridicules ou simplement pénibles qu'il interprète dans ses chansons. Difficile de ne pas voir ici une critique amusée teintée d'admiration contrariée envers ceux (et celles) qui font le spectacle en discothèque, exhibant leurs qualités de danseur et leur charme naturel. "Je suis trop... Regardez-moi... Je suis trop... Regardez-moi... Je suis trop groovy." La chanson fonctionne d'autant mieux qu'elle donne effectivement envie de se dandiner, même aux mélomanes les moins enclins à se laisser cannibaliser le cerveau reptilien par un beat sauvage (voir par exemple le passage à 2m43s).

5. The Dictator Decides (4m50s) - 9,5/10

Cette chanson, clairement la plus ambitieuse de l'album, contient ce que je n'espérais plus vraiment trouver dans un album des Pet Shop Boys : un texte raisonnablement long, qui raconte une histoire (comme l'étaient Being Boring, This Must Be The Place ou My October Symphony par exemple), dans lequel Neil se glisse dans la peau d'un personnage. Il s'agit ici d'un dictateur (sans doute inspiré par "so rone-ry" Kim Jong-Un), lassé de son rôle et appelant de ses vœux une révolution qui lui ôterait l'absolu fardeau de ce pouvoir absolu.

Elle commence par une intro instrumentale de 1m30s. Dans un premier temps, le rythme y est martial. On entend en arrière-plan les clameurs d'une foule enthousiaste et le bruit des machines qui travaillent à l'édification des monuments du pays, à lui redonner grandeur et prestige (on pense un peu à l'intro de Wot! par Captain Sensible). Des notes de synthétiseur viennent ensuite tempérer cet enthousiasme bâtisseur avant que, à 1m08s l'ambiance se fasse soudainement plus insituable : la pulsation disparaît, des mélismes de synthé suspendent l'attention et s'installe une mélodie qui ne sait choisir entre le triste et le gai, le grave et l'aigu. L'auditeur ne sachant plus trop ce qu'il est censé ressentir, Neil peut entrer en scène pour réconcilier ces contraires et exprimer le paradoxe de ce despote épuisé.

Une des grandes qualités de cet album est que Neil y utilise, plus que jamais, son registre grave, honteusement sous-exploité au début de sa carrière et que, malgré la perte de qualité de sa voix dans les aigus depuis quinze ans, il rechignait à utiliser jusqu'à très récemment. Cette voix grave, moins timbrée, moins typiquement PSB, convient parfaitement au sentiment de lassitude qu'elle est censée exprimer. De même, la manière dont la pulsation disparaît à l'improviste (2m42s) avant d'être réintroduite de manière un peu surjouée (à 3m03s, où la symbolique du bruit de rivière, je l'avoue, m'échappe) exprime pour moi parfaitement les accès de découragement et les reprises en main forcées qui s'ensuivent, quand après s'être apitoyé sur son sort, on est bien obligé de s'y remettre.

Enfin, le sommet de l'album est pour moi la séquence finale de 30 secondes, basée sur un sample de voix féminine, qui est dans un premier temps diffusé dans toute sa pureté avant d'être progressivement manipulé électroniquement, donnant l'impression qu'une soudaine envie de pleurer étouffe le chant dans la gorge de la chanteuse. C'est beau à tomber.

6. Pazzo! (2m44s) - 6/10

Ce deuxième intermède essentiellement instrumental est le morceau le plus frustrant de l'album. Il est basé sur une lente montée de la tension, une rythmique dance assez basique se métamorphosant progressivement en une sorte de tourbillon synthétique qui malheureusement retombe trop vite. J'aurais aimé que le morceau dure 2 minutes de plus de plus et pousse plus loin cette logique d'empilement et de foisonnement d'éléments sonores.  En l'état, le morceau me laisse sur ma faim.

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Pet Shop Boys - Super (I)

Super est le deuxième album d'un triptyque conçu par les Pet Shop Boys en collaboration avec Stuart Price. En 2013, le premier opus, Electric, m'avait laissé un souvenir mitigé. Il sonnait bien mais me paraissait trop orienté dance-floor et manquant de substance dans l'écriture. J'avais même écrit à l'époque que j'appréhendais la sortie de l'album suivant si ces partis-pris devaient se confirmer.

Et bien, trois ans plus tard, nous y sommes. Super est arrivé et, attention spoiler!, je l'aime beaucoup. Neil, Chris et Stuart ont-ils comme par miracle évité tous les pièges que je prévoyais il y a trois ans ou bien est-ce moi qui ai changé et revu mes espérances à la baisse ? A vrai dire, je n'en sais trop rien pour l'instant. Je vous livre juste ma première impression à l'état brut et, comme un névrosé chronique se couchant pour la première fois sur le divan, j'ai le vague espoir que le travail d'analyse que je me prépare à effectuer pour cette chronique me permettra d'y voir plus clair.

Un élément doit me semble-t-il être posé d'emblée. Super et Electric partagent un même thème : la dance-music de la fin des années 80 et du début des années 90, la nostalgie d'une époque où l'expérience collective de la musique dans les rave parties (je précise 'parties' pour ne pas trop émoustiller les fanatiques du céleri qui arriveraient ici après un frénétique Googlage végétalien) unissait les clubbers dans un idéal d'hédonisme optimiste. Comme j'ai souvent eu l'occasion de le dire, je suis passé complètement à côté de ce mouvement, trop occupé à l'époque à écouter Dead Can Dance en arborant un faux air mystérieux. Thématiquement, ce disque ne me parle donc guère plus que le précédent.

Si j'aime cet album, cela doit donc être en dépit de son sujet et donc aussi essentiellement en dépit de ses textes. Alors pourquoi ? Serait-ce la production (la manière en particulier dont les beats sont traités, souvent sous-mixés, voire par moments totalement absents) ? Les mélodies ? L'humour et l'auto-dérision ? Ou bien à cause des deux ou trois chansons qui échappent à ce corset de nostalgie pour la musique du passé et se confrontent au monde actuel ?

Pour ceux qui voudraient se faire leur propre opinion (drôle d'idée vu que vous vous apprêtez à prendre connaissance de l'opinion définitive sur le sujet, mais bon, chacun fait ce qu'il veut), vous pouvez utiliser Youtube ou le lecteur Spotify ci-dessous.




1. Happiness (4m04s) - 7.5/10

Le chemin vers le bonheur est long mais je le suivrai jusqu'au bout. Tel est en substance le propos de ce morceau d'ouverture qui relève clairement de cette veine de chansons aux textes a priori ineptes mais que la musique vient corroborer et amplifier jusqu'à en faire une déclaration d'intention. Dans ce morceau, la musique mène effectivement au bonheur, ou en tout cas à une illusion de bonheur via la répétition des motifs ainsi qu'une production en crescendo qui complexifie les rythmes (voir notamment à 2m24s où derrière une bonne grosse basse dubstep, une note se répète selon un rythme difficilement compatible avec les canons habituels de la dance music) et rajoute couche sonore sur couche sonore jusqu'à obtenir un agréable sentiment de satiété, sans pour autant mener à l'indigestion de rythmes binaires. Par ailleurs, Neil y épelle le titre, un procédé d'écriture dont le groupe est depuis longtemps passé maître (Shopping, Minimal,....).

2. The Pop Kids (3m55s) - 7/10

Ce premier single exprime la substantifique moëlle de l'album, les paroles narrant à la première personne du pluriel les joies du clubbing au début des années 90. On peut y entendre les quatre plus mauvaises rimes de toute la carrière de Neil Tennant : 'I studied history, while you did biology. To you the human body didn't hold any mystery'. A chaque fois que je l'entends, j'ai les intestins qui se contractent, comme si l'opprobre que susciteront ces paroles ineptes chez tous les êtres munis de sensibilité artistique m'était personnellement destiné.

On y trouve aussi l'énième itération de ce qui est devenu un cliché de l'univers thématique des PSB : l'opposition rock-pop. 'We were so sophisticated, telling everyone we knew that rock was overrated', sauf qu'ici cette opposition rock-pop devient essentiellement une opposition rock-dance, un glissement que je ne peux que déplorer. Quitte à me répéter (une fois tous les trois ans, ça reste une fréquence de radotage très acceptable), la pop dans se version la plus pure n'est pas pour moi plus proche de la dance-music que du rock. Musiques rock et dance se retrouvent dans la manière qu'elles ont de s'adresser en premier lieu au corps, que ce soit par l'intermédiaire de la danse, du headbanging, du pogo ou du saut de cabri (toutes pratiques auxquelles je peux m'adonner avec plaisir). La pop au contraire est une musique qui s'adresse en premier lieu au cerveau et principalement aux zones du plaisir auditif immédiat. Un bon morceau pop ne se danse pas, il se chantonne, il reste dans l'oreille et s'incruste dans votre esprit pendant des jours (en ce sens, de nombreux morceaux rock et dance sont par ailleurs aussi des morceaux pop, mais c'est un autre débat). J'aurais donc préféré que le titre de ce single soit The Dance Kids, cela m'aurait semblé mieux coller au propos.

Cela étant dit, la chanson n'est pas sans qualités, avec notamment un troisième couplet en suspension, semi-parlé, qui représente une respiration bienvenue au milieu de ce qui est sans doute un des deux morceaux de l'album dont la production est la plus (sans doute volontairement) datée : chœurs wooh-ah tendance Ibiza-Before, riffs de piano euro-dance circa 94, clochettes rappelant Always on My Mind,....).

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