jeudi, septembre 20

Pet Shop Boys - Elysium (II)

3 - Winner (5/10)

C'est devenu un lieu commun de dire que le groupe n'est plus capable de choisir les bons singles. Nouvelle preuve ici avec Winner. Tout porterait à croire que la chanson a été écrite pour profiter de la vague médiatico-patriotique qui allait accompagner les JO de Londres. Neil prétend pourtant qu'ils l'ont écrite en pensant à l'Eurovision, comme un exercice de style : "Et si on composait une power-ballad mid-tempo hands-in-the-air à la Take That, genre Greatest Day ?"
Il aurait été miraculeux qu'une chanson aux motivations aussi peu glorieuses puisse être autre chose qu'une déception et, en effet, elle tombe à plat avec un bruit de succion triste, comme une serpillère trempée dans de l'eau tiède qu'un tenancier de bistrot,  se sentant obligé, par habitude ou lassitude, de frottouiller le carrelage de son établissement après une soirée de ventes à perte, met à terre avec un soupir désabusé. Pour tout dire, je ne peux m'empêcher de penser "Whiner" durant le refrain, terme qui correspond bien à l'intonation de Neil, plus geignarde que triomphale (2ème exemple de refrain raté). Peut-être se rend-il compte que rien n'est plus vain que de célébrer ceux qui réussissent et n'en ont pas besoin (médailles ou Rolex leur suffisent). La dernière phrase, pernicieuse, du refrain "Enjoy it while it lasts" pourrait être l'amorce d'une rédemption, le point de départ d'une réévaluation de la chanson, mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui, je veux savourer mon désappointement jusqu'à la lie, voire jusqu'à l'hallali. Le sanglier de la déception ne devient en effet touchant que lorsqu'il est aux mains des chasseurs de l'enthousiasme forcé (Note de l'éditeur : je m'étais pourtant juré de ne plus justifier des jeux de mots foireux par des métaphores qui le sont encore plus mais la chair est faible, surtout quand elle s'est fait(e?) Verbe).



4 - Your Early Stuff (7/10)
L'idée de départ est amusante : écrire une chanson à partir des commentaires que les chauffeurs de taxi font à Neil quand ils le véhiculent dans Londres ("je suppose que vous avez pris votre retraite à présent", "j'ai lu quelque part que vous aviez écrit une musique de film", "j'aimais bien que vous faisiez au début de votre carrière", etc.). Malhereusement, la réalisation n'est pas à la hauteur, surtout à cause d'un refrain désespérément plat et monotone (et de trois !). Un des couplets à 1:05 tente désespérément d'insuffler un peu d'énergie mais la chanson dans son ensemble se révèle finalement une constatation auto-réalisatrice : moi aussi, je préfère aussi leur "early stuff" à cette chanson filandreuse.

5 - A face like that (8/10)
Le positionnement après Your Early Stuff est tout sauf une coïncidence. La première minute de cette chanson aurait pu se trouver sur leur premier album. La basse, par exemple, fait beaucoup penser à celle de Love Comes Quickly, les "handclaps" aussi. AFLT sera donc le morceau où le groupe retourne au son de ses débuts et, musicalement au moins, c'est très réussi (ils en sont donc encore capables, si leur musique a évolué, ce serait plus le résultat d'un choix que d'une perte d'inspiration, c'est peut-être un détail pour vous mais j'y vois un passionnant sujet de dissertation). L'album avait besoin à ce stade d'une chanson qui, soniquement, réveille l'auditeur et AFLT remplit parfaitement ce rôle. Le refrain est particulièrement entêtant. On y parle de quelqu'un qui a un si beau visage qu'aller sur la lune ne serait plus qu'un formalité (....non, moi non plus), mais mis à part ce miraculeux effet de la régularité des traits sur la gravité universelle, le sens général des paroles reste obscur. Et ce n'est finalement pas si grave. La pop, comme la poésie, est libre d'échapper quand elle le désire à la tyrannie du signifiant.


6 - Breathing Space (9/10)
Ah, le bonheur de reprendre un peu de temps pour soi, de faire fi des contraintes et des
obligations, de se retrouver face à soi-même. De nouveau, il est tentant d'y lire un état des lieux de Neil la pop-star (comme l'était To Step Aside sur Bilingual). C'est thématiquement et musicalement le petit frère d'Invisible, en presque aussi réussi, avec un rôle accru des cordes, des guitares et des percussions. De nouveau, une chanson qui gagne à être écoutée au casque, par exemple pour les samples de voix en arrière-plan de l'intro.

Breathing Space (Elysium, Pet Shop Boys) from hcampos on Vimeo.


Est donc venu le temps des regrets et des rétractations : Andrew Dawson, je m'excuse  de toutes les horreurs que j'ai pu penser quand votre nom m'est apparu pour la première fois. Cette collaboration est officiellement un succès.


7 - Ego Music (8/10)
Your Early Stuff et Ego Music sont deux chansons qui en d'autres temps auraient été des B-sides, des chansons un peu étranges, potaches, clins d'oeil complices réservés aux fidèles. Neil se moque ici des déclarations tapageuses des stars sur les réseaux sociaux ou en interview (pensez Kanye, Gaga et consorts) pleines d'auto-satisfaction, de fausse humilité et de lieux communs, du genre "I think what fascinates people about me, and I'm really grateful to my fans, is that I'm totally fearless". On retrouve ici le gros son synthétique de AFLT, avec des ornements de synthé et des percussions très en avant dans le mix. Excellent morceau, mais qui semble un peu hors de propos dans le contexte d'un album, même si je suis sûr que Neil Tennant est conscient de l'ironie inhérente au fait d'inclure une chanson satirique intitulée Ego Music dans l'album (censément) le plus autobiographique de sa carrière.


Pet Shop Boys - Ego Music (Elysium 2012) - MyVideo

8 - Hold On (2/10 ou autre chose, allez savoir !)
Quand le premier "Hold Ooon" jaillit des enceintes comme un torrent de tisane à la verveine s'écoulant d'une prise de courant triphasé, j'éprouve une réaction de sidération abasourdie qui décourage tout discours critique. Cet optimisme forcé à la Disney, ces choeurs de comédie musicale me semblent à un tel point l'antithèse de tout ce qui fait le groupe que je ne parviens même pas à me poser la question du j'aime ou j'aime pas. La citation de Handel est appréciée et les cordes en arrière-plan aussi, mais fondamentalement les seules choses que je peux en dire, c'est "Gnnnnn??" ou le robotique "DOES! NOT! COMPUTE!!".



(la suite ici)

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