mercredi, janvier 31

Les albums de 2006 (XI)

Sans doute les notules les plus "nudge nudge wink wink" de la série.. désolé.

Espers - Espers II (Wichita)
Quel étrange disque. Il débute par Dead Queen, qui paraît de prime abord être un sublime morceau de folk contemplatif. La voix y fait furieusement penser à l'Elizabeth Fraser de Milk & Kisses (pas la meilleure période, mais bon...et oui, je sais que je compare un disque sur deux aux Cocteau Twins). Cruel Storm est une autre chanson folk de la même veine, quoique je pense plus en l'écoutant à Marissa Nadler (dont le prochain album est d'ailleurs produit par Greg Weeks, lui-même chanteur, et producteur de cet album...tout est dans tout, c'est formidable quand on y pense... quasi cosmique même). Pourtant, il ne s'agit clairement pas d'un disque folk classique, ne serait-ce que parce que la durée moyenne des morceaux est de plus de sept minutes. Il s'agirait en fait plutôt d'une sorte de post-folk (au sens de ce que le post-rock est au rock), à moins que ce ne soit du post-prog (au sens de ce que le... blah blah blah). Pour être plus explicite (parce que bon, les étiquettes, c'est joli, surtout sur les pots de confiture, mais il faut bien reconnaître que, si on exclut les encres phosphorescentes, ça n'est pas forcément très éclairant), cela signifie que, dans presque chaque morceau, passé la barre des 4-5 minutes, le chant disparaît et les motifs de violon ou de guitare commencent à être noyés dans d'inquiétants drones dissonants. En auditeur de mon époque, où le recyclage et l'hybridation sont devenus les symptômes d'un post-modernisme triomphant, je n'ai rien contre le mélange des genres mais, sur ce cas précis, je ne suis pas sûr d'y trouver mon compte. Si les chansons avaient été plus courtes, plus resserrées sur la voix de la chanteuse, les mélodies bucoliques et tout l'attirail néo-country-folk de Marissa, Paula et les autres, j'aurais sans doute eu là un de mes (mini-)albums de l'année. En l'état, j'ai l'impression que le disque est le compte-rendu de la bataille sans vainqueur qu'ont livrée en studio les deux facettes d'un groupe schizophrène. A entendre les interminables et assez pénibles fins de Dead King et Children of stone, je dois pourtant bien avouer que j'aurais sans doute préféré que le Dr Jekyll de la folk bucolique ait forcé le Mr Hyde du post-rock dissonant à rendre les armes.
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- A écouter : Dead Queen (mp3)
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Jamelia - Walk With Me (Parlophone)
La caractéristique du r'n'b américain qui me rebute le plus est sans aucun doute l'omniprésence de ces vocalises interminables qui brisent les lignes mélodiques, diluent le discours et semblent n'être là que pour impressionner les électeurs de l'académie des Grammies. Beyoncé, Mariah Carey, Usher, Boyz II Men, Whitney Houston, etc.. Peu de grandes stars du genre échappe à cette malédiction (Mary G. Blige peut-être, ou en tout cas le peu que j'en connais). C'est pourquoi, quitte à mettre une nouvelle fois en évidence le caractère pathologique de mon anglophilie, la musique de Jamelia me convient parfaitement. Bien que comportant d'indéniables accents r'n'b, elle ne sacrifie jamais la mélodie, la limpidité des compositions à des exhibitions gratuites de technique vocale. Cela étant dit, il ne s'agit pas d'un album parfait. Ainsi, je n'ai jamais vraiment pu réellement apprécier un morceau trop ouvertement construit autour d'un sample connu. No More par exemple, parvient à totalement annihiler la légèreté syncopée de l'intro au clavecin de Golden Brown (The Stranglers) sous un empilement de choeurs qui devient rapidement assez crispant. Beware of the dog, qui reprend le riff de guitare de Personal Jesus (Depeche Mode), me semble nettement plus réussi, sans doute parce que la chanson construite sur les fondations de Martin Gore est d'un genre assez proche à l'original. Les deux autres chansons de l'album que j'aime particulièrement sont le premier single Something About You et Do Me Right dont les sonorités indiennes sont dans la droite lignée de Truth Hurts par exemple. Pour le reste, il s'agit d'un solide album de pop-soul, qui correspond assez précisément à ce que je recherche dans le genre et dans lequel aucune chanson (à part No More peut-être) ne me semble ratée. C'est déjà pas mal.
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- A écouter : Do Me Right (mp3), Something About You (video), Beware of the Dog (video)
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The Knife - Silent Shout (Rabid Records/Cooperative)
Il existe pour moi un petit mystère autour de ce disque. Pourquoi a-t-il reçu ces critiques élogieuses un peu partout, et surtout dans des médias a priori peu friands d'electro-pop de dancefloor ? Ca a commencé par une critique dithyrambique dans les Inrocks qui disait en gros que Silent Shout était un grand disque parce qu'il était plus sombre et moins "bêtement pop" que le précédent (en grande partie sans doute à cause de la couleur de la pochette..les couleurs vives de Deep Cuts ne devaient pas faire assez sérieux). A mes oreilles, le disque était plutôt une déception et cet enthousiasme semblait n'être qu'une tentative de rattrapage, une envie de faire rentrer (un album trop tard) The Knife dans le giron des groupes "révélés en France par les Inrocks". Cette explication m'aurait parfaitement convaincu si le disque n'était pas également devenu la coqueluche des mp3-blogs américains, allant jusqu'à être sacré album de l'année par les grands Mandaroms de Pitchfork. Ne comprenant pas cet enthousiasme excessif et ayant toujours eu une fâcheuse tendance à ramer à contre-courant, je me sentais investi du devoir de ramener cet album à sa juste place (un honnête disque d'électro-pop biscornue, qui se laisse régulièrement tenter par les sonorités tubesques de la trance pouet-pouet). J'ai pourtant changé d'avis en lisant sur un célèbre audioblog francophone que ce disque n'était qu'un "sympathique album de remixes de Kate Bush par Jean-Michel Jarre" et qu'il symbolisait à lui seul l'indigence de la musique sortie en 2006. Le statut de l'électro-pop en France est en fin de compte encore fragile et peut-être devrais-je finalement arrêter de me focaliser sur le fait que cet album est moins bon que le précédent et me réjouir de voir Olof et Karin récolter le succès qu'ils mériaitent il y a deux ans. Après tout, si des gens veulent voir dans un album moins varié un album plus homogène ou dans des chansons moins brillantes la marque d'une sensibilité plus sombre et adulte, qui suis-je pour les en dissuader ? Et puis, il faut bien reconnaître que Marble House (avec la voix de Jay-Jay Johanson) est assez épatant.
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- A écouter : Marble House (mp3), Silent Shout (video)
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lundi, janvier 29

Les albums de 2006 (X)

Lil' Chris - Lil' Chris
Lil' Chris est un adolescent de 16 ans, qui en paraît 12 maximum, et s'est fait connaître dans "School of Rock", une émission télévisée dont je sais juste qu'elle bénéficiait du patronage de Gene Simmons (Kiss). Selon toute logique, cela devrait être un des pires albums de l'année. Comme l'expérience le montre, les albums des "stars" issues de la télé-réalité sont presque tous inécoutables (seules surnagent les insubmersibles Girls Aloud dont le best-of est sans doute le meilleur album pop de l'année, même s'il ne rentre pas dans les critères de mon classement personnel). De plus, Lil' Chris rentre tout à fait dans le créneau de ce que j'ai appellé la "pop qui n'assume pas" en évoquant l'album de The Feeling. Il est en effet marketé (horrible mot mais quitte à parler de pop commerciale, autant le faire en appelant les choses par leur nom) comme un adolescent fan de punk-rock (son nom d'utilisateur Myspace est LilEmoChris) qui vit son rêve de rock-star, alors qu'il n'est évidemment que le jouet de producteurs-compositeurs (les vieux routiers Ray Hedges et Nigel Butler) qui lui font chanter ce qu'ils veulent. Ce qui sauve Lil' Chris est sans doute qu'il en est parfaitement conscient et en joue. Par conséquent, sa musique ne contient pas la moindre once de prétention. Il chante en prenant une voix bizarre, se lançant par exemple dans des yodels absurdes, sans raison apparente. Les chansons sont courtes, punky et basiques, mais rigoureusement imparables. J'en veux pour preuve Getting Enough?? (un plagiat des Buzzcocks me souffle-t-on dans l'oreillette) et Checking it out, les deux singles qui m'ont convaincu d'acheter l'album, ainsi que le franchement surprenant I never noticed où, après une intro ThisMortalCoilesque en diable, d'intrigants arpèges de synthé parviennent à rendre presque émouvante une chanson qui accumule pourtant les clichés. Bon, c'est sûr qu'une fois sorti de ces trois chansons (qui, selon la règle d'or du genre, sont placées au début de l'album), on n'a pas forcément grand-chose à se mettre sous la dent, même si, à tout prendre, l'ironie sous-jacente me rendra cet album plus sympathique que tout ce que feront jamais Sum 182, Blink-41 et les autres.
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- A écouter : Checking it out (video), Getting Enough?? (video), Figure It out (video), I never noticed (mp3)
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Post Industrial Boys - Trauma (Max-Ernst.de)
Le premier album de ce projet du Géorgien George Dzodzuashvili avait été mon album préféré en 2004. Malheureusement, le silence assourdissant qui a entouré sa sortie (à part une chronique dans les Inrocks, je n'ai aucun souvenir d'avoir lu quoi que ce soit à son sujet, que ce soit en français ou en anglais) me faisait penser qu'il n'y en aurait jamais de deuxième. J'ai donc été agréablement surpris en apprenant la sortie de ce deuxième album sur le label de Thomas Brinkmann. En toute honnêteté, il n'y a rien sur cet album qui apporte quoi que ce soit de neuf par rapport au précédent album. On navigue de nouveau dans des eaux troubles et indéfinissables, quelque part entre techno minimale, folktronica, slam et un soupçon de lounge-music. En l'écoutant, on peut penser indifféremment à Nouvelle Vague, à Broadcast, au Brian Eno de Spinner ou The Drop et à tout un pan de pop ambient à la Kompakt. Tout ici est empreint d'une élégance discrète, les voix transmettent un soupçon d'ennui sophistiqué. Les blips qui forment la trame rythmique des morceaux suggèrent plus qu'ils n'assènent et les instruments acoustiques qui en forment la trame mélodique prennent bien garde d'en faire trop. Ce bon goût absolu est la force mais aussi la limite du disque. Ayant été très client il y a deux ans du premier album, je ne peux qu'apprécier celui-ci mais, en deux ans, l'effet de surprise s'est sensiblement émoussé et j'ai du mal à m'enthousiasmer à nouveau. Cela dit, si vous êtes passé à côté du premier album éponyme, je ne peux que vous conseiller d'écouter celui-ci et vous envier le plaisir que vous y prendrez sans doute.
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- A écouter : Benzilina (mp3)
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Paul Simon - Surprise
Paul Simon n'a jamais fait partie de mon panthéon musical. Comme tout le monde, je peux chantonner Bridge Over Troubled Water, Mrs Robinson ou Sound of Silence mais n'ai jamais ressenti le besoin d'en savoir plus sur son oeuvre. Même sa période solo, dont j'ai pu découvrir une partie temps réel (à partir de Graceland disons) me laisse assez indifférent. Je n'aurais donc a priori jamais eu la curiosité d'écouter ce nouvel album s'il n'avait été enregistré avec Brian Eno, crédité comme "paysagiste sonore" (sonic landscape), co-auteur de trois morceaux et responsable des "electronics" sur toutes les chansons sauf la dernière. On retrouve effectivement la patte du grand Brian dans quelques riffs, sons étranges ou voiles de guitares vaporeux. A certains moments, cet album rappelle d'ailleurs un peu Acadie, l'excellent premier album solo de Daniel Lanois, auquel Eno avait collaboré. A d'autres, on est en plein dans cette forme de musique auto-satisfaite que les stars anglo-saxonnes de plus de 50 ans semblent condamnés à enregistrer et à interpréter devant des salles gigantesques pleines de bourgeois vaguement bohêmes prêts à payer 150 euros pour entr'apercevoir au loin la silhouette d'une "légende du rock" (voir aussi Sting, Billy Joel ou Elton John) : mid-tempo permanent, accompagnement à base de guitare acoustique et de percussions jazzy, quelques éclats de choeurs gospel, etc.. Honnêtement, ce n'est pas désagréable à écouter, mais ça me parle assez peu. Je ne me sens pas encore attiré par ce genre de musique, créé sans passion mais avec un indéniable savoir-faire par des artistes qui ne se souviennent plus que la musique n'a pas toujours été pour eux un métier comme un autre.
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- A écouter : How can you live in the Northeast? (mp3)
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samedi, janvier 27

Raisons d'aborder 2007 avec enthousiasme

- Brian Eno produit le nouvel album de Coldplay.
- Un long-métrage documentaire sur Scott Walker va sortir, si pas forcément dans les salles de mon cinéma local, du moins en DVD.
- Le deuxième album d'Arcade Fire vient de "leaker". Je ne suis pas sûr de l'écouter avant sa sortie mais, quelles que soient les qualités réelles de l'album, ça devrait au moins nous valoir une avalanche de commentaires dont le manque de recul confinera au ridicule. C'est toujours bon à prendre.

vendredi, janvier 26

Mika, ou de l'intérêt d'être soutenu par une major...

J'étais convaincu que Mika resterait une de ces icônes pop sophistiquées pour public averti et je me rends compte que, depuis deux ou trois semaines, il est omniprésent. Numéro 1 des ventes en Angleterre, une page dans les Inrocks pour dire à quel point ses cheveux sont longs, beaux et bouclés (les Inrocks, c'est plus ce que c'était), des recherches Google 'Mika chanteur' comme s'il en pleuvait aboutissant sur ce blog, un matraquage en règle sur Pure FM, etc... Il semblerait que, pour créer du buzz, rien n'ait encore vraiment remplacé le budget marketing intelligemment dépensé. Il faut dire qu'entre les Kate Bushismes Sparkiens de Grace Kelly, les Scissor Sisterismes de Relax, Take It Easy et la comptine bisexuelle vaguement Eltonesque qu'est Billy Brown, ils ont mis tous les atouts de leur côté (les trois morceaux sont en écoute sur sa page Myspace).

Pour le reste, si le délit de plagiat harmonique existe quelque part dans la législation, espérons que la major en question ait également de bons avocats parce que j'entends plus qu'une ressemblance entre Relax, Take It Easy et I Just Died In Your Arms Tonight de Cutting Crew.

EDIT : Dans un genre finalement assez proche, vous pouvez écouter une session de Patrick Wolf ici.

jeudi, janvier 25

Patience et longueur de temps...

...valent mieux que force ni que rage, comme disait je ne sais plus qui. Vous avez peut-être remarqué que je suis largement en-deçà de mes objectifs de productivité pour les albums de l'année. Je ne ressens pas le besoin impérieux de me dépêcher pour que ce soit vite fini et ça ne me dérange pas plus que ça de terminer fin février ou début mars. Cependant, j'ai quelques scrupules vis-à-vis des fichiers mp3 proposés qui seraient alors en ligne beaucoup trop longtemps. J'ai donc décidé de les retirer systématiquement dix jours après la publication des billets. Ils seront néanmoins tous remontés pour une très courte durée après la publication du classement final.

Voilà qui devrait apaiser ma conscience, qui en a bien besoin.

En attendant, vous pouvez aller écouter Maps, c'est très bien.

mercredi, janvier 24

Les albums de 2006 (IX)

Justin Timberlake - FutureSex/LoveSounds (Jive)
S'il existe dans nos sociétés modernes et désenchantées une histoire qui ressemble vaguement à un conte de fées, c'est sans doute du côté de la carrière de Justin Timberlake qu'il convient de la chercher. Normalement, un chanteur révélé par le Mickey Mouse Club, ancien joli-coeur de boyband et ex-fiancé de la pop-star la plus brillamment superficielle de son époque doit finir sa carrière à 25 ans en has-been total, juste bon à courir les plateaux télé et les émissions de télé-réalité, comme un junkie à la recherche d'un dernier fix de visibilité médiatique. Qui aurait pu croire qu'il rebondirait, entamerait une fructueuse carrière solo, entouré des producteurs les plus en vue de son époque (Timbaland, The Neptunes, Rick Rubin, ...), qu'il rencontrerait gloire et crédibilité, amassant Grammy Awards et reconnaissance de ses pairs pour finir par se retrouver quasi-fiancé avec une star de cinéma ? Je reparlerai sans doute un jour plus longuement du personnage (dont je suis attentivement la carrière depuis 1999... quel visionnaire je fais tout de même) mais, en attendant, revenons à ce deuxième album solo, attendu avec d'autant plus d'impatience que Mr T avait plutôt mal négocié le virage de l'après-Justified (un partenariat publicitaire avec McDonald's, un single inepte et des rôles au cinéma qui n'ont convaincu personne). Cet album est produit en grande partie par Timbaland, qu'un chroniqueur des Inrocks présentait il y a quelques mois à peine comme un producteur ringard et qui a pourtant, avec cet album et l'omniprésent Maneater de Nelly Furtado, incarné, plus que tout autre, le son de la pop de 2006. La première moitié de l'album est franchement impressionnante. Que ce soit avec l'électro martiale de SexyBack, les hypnotiques vocalises tournoyantes de What Goes Around ou l'étourdissant riff de synthés de My Love, les deux "Timba" semblent n'en faire qu'à leur tête (des morceaux de 7 minutes, des interludes, des chansons sans refrain,...), sans jamais faire de mauvais choix. Mieux, la cinquième plage de l'album, LoveStoned, recèle sans doute la plus belle minute de musique de l'année (ça commence à 4:40). Dommage que, comme souvent, les choses se gâtent vers la fin de l'album, où la plupart des ballades sont concentrées. Parce que, s'il y a une chose qui n'a pas changé depuis l'ère Nsync, c'est que Justin Timberlake n'est pas un crooner. Ses vocalises interminables en falsetto deviennent même assez rapidement pénibles et l'arrivée d'un improbable choeur gospel à la fin de Losing My Way n'est pas de trop pour ranimer mon attention avant le duo avec Snoop Dogg. Cela dit, sur deux bons tiers de cet album, Justin Timberlake se rapproche très près des artistes dont il se réclame depuis toujours (de Prince à Michael Jackson).
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- A écouter : Lovestoned (mp3)
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Film School - s/t (Beggars Banquet)
C'est étrange la mémoire. J'avais de ce disque le souvenir d'un clône de My Bloody Valentine ou, en tout cas, du vague souvenir que j'en ai (je connais mal le groupe) : un mur impénétrable de guitares tourbillonnantes duquel la voix peine à émerger. Pourtant, en le réécoutant, je le trouve très pop, et à tout prendre bien plus proche des ambiances sombres et pesantes qui ont récemment fait les belles heures d'un groupe comme Interpol. Malheureusement, il s'agit ici d'un Interpol sans tubes. He's a DeepDeep Lake fait bien illusion durant l'intro et le refrain mais se perd dans un couplet insignifiant. Tous les morceaux du disque sont à l'avenant, prometteurs mais toujours légèrement en-deçà de ce qu'ils pourraient être. Certains diront qu'il s'agit d'un disque modeste, qui s'apprécie sur la durée, pour son homogénéité et son sens des atmosphères. D'autres diront qu'il n'est juste pas très bon. Je me trouve un peu entre les deux.
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- A écouter : He's a DeepDeep Lake (mp3)
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Calexico - Garden Ruin (City Slang)
Parfois, les triomphes passés d'un groupe peuvent devenir un handicap presque insurmontable. Lorsque, à la fin des années 90, ils ont mis au point la formule hispanisante "cuivres et mariachis" en grande partie responsable de leur succès public et critique, ils ne pensaient sans doute pas qu'ils auraient autant de mal à s'en défaire. Tout ce qu'ils ont fait depuis a en effet été jugé à l'aune (par exemple) de leurs épiques versions live de The Crystal Frontier. De peur sans doute de s'enferrer dans un carcan contraignant, le Calexico nouveau a presque entièrement tourné le dos aux sonorités hispanisantes et l'ambiance générale de ce nouvel album est nettement plus introspective que festive. Joey Burns et John Convertino vont ici plutôt creuser du côté de la pop à l'ancienne (difficile par exemple de ne pas voir dans les choeurs de Letter to Bowie Knife une forme de pastiche des Beatles), de la country et de l'americana, tous points de référence qui ont toujours existé dans la musique de Calexico mais ont été un temps occultés par les trompettes et les chapeaux mexicains. En conséquence, c'est un album moins euphorisant que The Black Light. Il donne moins envie de frapper dans les mains en souriant, debout dans la fosse en regardant le trompettiste sous son grand chapeau, que de battre la pulsation avec sa cheville en sirotant un verre de porto, assis dans un canapé après une journée de travail . La musique de Calexico a toujours été d'un goût exquis, avec des arrangements élégants et sans aucun tape-à-l'oeil. Cette élégance innée leur permet à présent de vieillir avec dignité, en produisant une musique qui correspond à leur âge, et à l'âge moyen de leur public (la bonne trentaine si j'en crois le dernier concert auquel j'ai assisté). Cette option "musique pour adultes" les éloigne sans doute de ma bien-aimée "pop music" mais cela ne veut pas dire que l'album est ennuyeux. Il recèle même au moins trois grands morceaux. Le sus-nommé Letter to Bowie Knife, le vaguement flamenco Roka et surtout Nom de Plume, où Joey Burns chante en français une sombre histoire de corbeau tueur et qui me rappelle, sans que je sache trop pourquoi, la version du Chant du Partisan par 16-Horsepower et Bertrand Cantat. (en fait, en y repensant, j'ai aimé un nombre effarant d'albums pour vieux cette année.... ça fait peur.. Vite, un Lil' Chris !)
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- A écouter : Nom De Plume (mp3)
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vendredi, janvier 19

Les albums de 2006 (VIII)

Le Sport - Euro Deluxe Dance Party (Songs I wish I had written)
Si je me contentais pour classer ces albums de faire la somme du plaisir que les différentes chansons m'ont procuré, cet album serait sans aucun doute dans le top 3, ne serait-ce que pour Your Brother Is My Only Hope, la chanson electro-pop parfaite, dont j'ai déjà abondamment parlé ici (et ailleurs) et qui plane tellement au-dessus de 99% des autres chansons de l'année qu'elle justifie à elle que cet album soit acheté et chéri comme un trésor caché. Malheureusement, j'ai plutôt tendance à considérer qu'un album se juge non pas sur sa meilleure chanson mais sur le niveau moyen des différents morceaux qui le composent, et c'est là que ça se gâte pour le duo suédois. Tout d'abord, la production et le mixage de l'album me laisse dubitatif. Plus de la moitié des chansons ont un son saturé et métallique assez désagréable à l'oreille et qui a une fâcheuse tendance à noyer tous les reliefs. Ensuite, force est de constater que rares sont les compositions ici qui arrivent à la cheville de Your Brother Is My Only Hope. Les hommages à New Order sur It's not the end of the world et Lovetrain sont sympathiques mais anodins. Tout fan des Pet Shop Boys ne manquera pas de sourire en entendant If Neil Tennant Was My Lover mais devra rapidement reconnaître que la mélodie du morceau n'est pas à la hauteur de celles de son inspirateur. Le Sport, qui a splitté il y a quelques mois, restera le groupe d'un seul album, et cet album vaudra essentiellement pour une chanson. Ce n'est déjà pas si mal. "So I might as well dance and get down with the Eurosport beat coz in just few years it will all be too late".
- Liens : Site officiel, MySpace
- A écouter : Your Brother Is My Only Hope(mp3), It's not the end of the world (MySpace)
- L'album ne semble déjà plus être disponible sur CD-on, où je l'ai acheté

Robin Guthrie - Continental (Rocket Girl)
Robin Guthrie était le guitariste des Cocteau Twins, mon deuxième groupe-phare de la grande époque de 4AD. Depuis que Liz Fraser a décidé de quitter le groupe, il poursuit une discrète carrière solo en sortant des albums essentiellement instrumentaux sous son propre nom. Continental (à ma connaissance le deuxième de ces albums) hésite constamment entre l'auto-citation Cocteau-Twinesque et une musique ambient à base de nappes de guitares. Un morceau comme Continental par exemple semble tout droit extrait d'un hypothétique CD-bonus instrumental de Victorialand et lorsque, à 2m30, la batterie et les guitares ciselées et saturées d'écho typiques du groupe rentrent, je tends à chaque fois l'oreille, m'attendant à entendre Liz Fraser entonner quelques vocalises acidulées. Malheureusement, cette attente est à chaque fois déçue, ce qui provoque en moi une frustration fugace. L'autre grande inspiration de cet album est la musique ambient, quelque part entre les travaux d'Eno de la fin des années 70-80 (une collcaboration avec Harold Budd serait en préparation) et la scène post-rock de la fin des années 90 et du début des années 2000 (Tortoise, Labradford, Pan American, Dead Texan, ce genre de choses). Ces deux grandes inspirations sont éminemment recommandables (pour tout dire, elles ont toutes les deux joué un grand rôle dans mon éducation musicale) et cet album joue donc parfaitement son rôle de Madeleine. Chaque écoute me donne envie de me replonger dans un pan de mon éducation musicale laissé en jachère depuis quelques années. Le revers de la médaille cependant est que j'ai l'impression d'avoir déjà entendu tout cela 100 fois. Ma familiarité avec la musique de Robin Guthrie, couplée à l'absence de voix, finit par me laisser l'impression d'une musique sans surprises, ce qui me laisse face à un paradoxe : Continental est un très bel album et la musique qu'il contient me parle directement mais ces raisons qui devraient me le faire aimer sont justment celles qui me le font trouver un peu frustrant, sans doute parce que j'y vois un reflet tronqué de ce qu'un nouvel album des Cocteau Twins pourrait donner.
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- A écouter : Continental (mp3)
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Kelley Stoltz - Below the branches (Sub Pop)
Le disque commence avec un orchestre qui s'accorde (ce qui est d'autant plus intriguant qu'aucun orchestre ne joue ensuite sur le disque) et se poursuit par une intro Arcade-Firesque en diable, toute en ostinato de piano et percussions. Voilà, c'est à peu près tout ce que je peux dire de ce disque qui semble frappé d'une étrange malédiction. A chaque fois que je le mets pour l'écouter, je me mets instantanément à penser à autre chose et quand je me force, je n'en retiens pour ainsi dire rien, si ce n'est une succession aléatoire de vagues "Ah tiens, c'est pas mal.", "Bof!", "Ca, j'aime bien.", "Ca moins." qui ne se cristallisent jamais dans une opinion globale. Je ne suis à dire vrai pas sûr qu'une telle incapacité à émettre un avis soit la preuve que je trouve le disque mauvais ou inintéressant. C'est juste qu'il ne me parle pas et que, même en me faisant violence, je ne parviens pas à formuler une appréciation. Il me semble a priori qu'il devrait plaire à tout ceux qui aiment ce rock épique à la Arcade Fire, Wolf Parade et les autres, surtout s'ils sont sensibles aux sonorités rétro de type blues ou rockabilly. L'utilisation de ces notes répétées au piano pour marquer la pulsation fonctionne parfaitement, les chansons sont imposantes et bénéficient d'un souffle indéniable, la voix de Kelley Stoltz est habitée tout bien comme il faut. Ever thought of coming back sonne comme un bonus track du Here Come The Warm Jets de Brian Eno réenregistré par une bande de canadiens exaltés. Memory Collector commence comme une chanson de Philip Glass et The Sun Comes Through pourrait tout aussi bien être un énorme classique de rock 70s. Décortiqué élément par élément ou pris par fragments, cet album semble avoir tout pour lui, mais il n'y a rien à faire : sur la longueur, je ne rentre pas dedans. Je suis en train de taper ceci en l'écoutant pour la cinquième fois en deux jours et, comme pour les quatre fois précédentes, je me dis juste "C'est plutôt pas mal.". Je renonce à être plus explicite. J'avais acheté cet album dans un magasin d'occasions, me rappelant vaguement avoir aimé l'album précédent (Antique Glow), que je serais à présent très curieux de réécouter.
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- A écouter : Ever thought of coming back (mp3)
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Ragots et potins

Je m'en voudrais de transformer ce blog en une succursale d'Ici Paris mais ceci est presque trop beau pour être vrai. J'aime beaucoup "a meeting of minds".

Pour ceux qui ne verraient pas de qui il s'agit, une petite piqûre de rappel s'impose sans doute.


et tant qu'on y est :

Mix-tape Sinner DC

En rattrapant mon retard sur ce qui est sans doute mon mp3-blog préféré (music-for-robots), je suis tombé sur un billet parlant de Sinner DC et, partant de là, sur leur dernière mix-tape, où on retrouve des noms comme Pan Sonic, Klaxons et Arpanet. Je conseille.

Je devrais reprendre un rhytme de publication normal pour les albums de l'année dès demain.

mardi, janvier 16

Bel échantillon

Une des raisons pour lesquelles je reste fidèle depuis (beaucoup trop) longtemps à la mailing-list Nowplaying (ex-Lenoirliste) est entre autres qu'un filtrage à peu près objectif des votes du premier tour du "top morceaux" de l'année donne une liste de 25 participants au second tour qui contient à la fois Nelly Furtado et Acid Mothers Temple, les Pet Shop Boys et (mes bons amis de) Wolf Eyes, The Spinto Band et DAT Politics. Le tout est écoutable vie une radioblog ici.

EDIT : Le succès de la radio-blog est tel que le site a dépassé sa bande passante pour le mois. Il faut donc attendre le premier février.

lundi, janvier 15

Les albums de 2006 (VII)

Service minimum cette semaine. Ce sera sans doute le seul billet avant le weekend.

The Feeling - Twelve Stops and home (Island/Universal)
J'ai des idées très arrêtées sur ce qu'est la bonne pop-music contemporaine et j'ai toujours eu beaucoup de mal avec la pop commerciale qui ne s'assume pas comme telle (c'est-à-dire dans mon esprit artificielle, légère, insouciante, éphémère) et tente de se construire une respectabilité en s'inspirant servilement de modèles réputés plus "sérieux" - les Beatles (la moitié des groupes anglais qui marchent en ce moment, Snow Patrol et Embrace en tête), la musique folk (Sandi Thom, James Blunt), la musique classique (Il Divo ou G4) ou le jazz (Joss Stone, Katie Melua)- mais n'est en fait guère plus que de la muzak insipide marketée pour les "jeunes mères de famille et conducteurs de Renault Espace qui n'achètent qu'un ou deux disques par an". Lorsque les mécheux de The Feeling sont apparus au début de l'année, ils me semblaient rentrer en plein dans cette catégorie (ne serait-ce que par leurs têtes de premiers de la classe et leur air inspiré quand ils passaient à Top of the Pops) et j'étais bien résolu à les détester ou, mieux encore, à les ignorer. Malheureusement, j'ai commis l'erreur à ne jamais commettre quand on veut s'accrocher à ses préjugés : j'ai écouté l'album, et il m'a bien fallu admettre que ces gens savent composer des chansons. Alors, bien sûr, ce n'est pas foncièrement original, mais c'est parfaitement réalisé et d'une rafraîchissante absence de prétention. Les influences obligées de ce genre de musique (Beatles, Queen, Madness, Beach Boys, etc.) apparaissent ici plus comme des clins d'oeil que comme des hommages compassés. Aussi, et surtout, les arrangements sont pleins de piano (mon péché mignon). Progressivement et sans que j'y prenne garde, les chansons de cet album se sont fait une place dans mon jukebox interne et n'ont jamais manqué de me mettre le sourire aux lèvres (Sewn, Never Be Lonely, Love it when you call). Strange, en particulier, provoque en moi une envie irrépressible de chanter à tue-tête (en tout cas après les 30 secondes d'intro filandreuse). Cet album a été cette année mon cadeau de prédilection quand je devais offrir un disque à des gens qui n'écoutent guère de musique. Il est suffisamment passe-partout pour plaire au plus grand nombre mais je l'aime assez pour ne pas avoir à me faire violence en passant à la caisse. Drôle d'année 2006, qui m'a vu m'enthousiasmer pour de la chanson française et de la "pop pour mère de famille", deux genres que j'évitais pourtant jusque là soigneusement de fréquenter.
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- A écouter : Strange (mp3), Sewn (video)
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Dolorian - Voidwards (Wounded Love/Avantgardemsic)
Même pour les cas les plus graves de "boulimie culturelle", il existe toujours des limites. Dans mon cas particulier, je me suis rapidement rendu compte qu'il m'était matériellement impossible de m'intéresser sérieusement à tous les genres musicaux et j'ai très vite décidé de me concentrer prioritairement sur les genres pour lesquels j'ai le plus d'affinités (pop-rock-électro-chanson-musique contemporaine) et à laisser en jachère des pans entiers de mon éducation musicale. Je n'ai ainsi jamais pris le temps de m'intéresser au jazz, à la variété française, à la musique classique d'avant 1840 environ, au rap, à la soul, aux "classiques du rock" ou au metal. Je ne doute pas que si je m'y plongeais, j'y trouverais de nouvelles raisons de m'enthousiasmer mais j'y ai reononcé. Cela ne siginifie cependant pas que, si les circonstances s'y prêtent, je refuse de jeter une oreille sur un disque ou l'autre relevant de ces genres. C'est ce qui m'est arrivé pour Dolorian, auquel Music For Robots avait conscré il y a quelques mois un billet. J'ai tellement aimé le morceau proposé à cette occasion (The One Whose Name Has No End) que j'ai directement acheté l'album, que je trouve fascinant. J'ai depuis appris que le genre pratiqué par ce groupe finlandais est une forme particulière de death-metal appelée le "doom-metal", caractérisé par de longs développements atmosphériques et une tension rentrée qui n'explose jamais tout à fait. Je ne ressentirai peut-être jamais le besoin d'en savoir plus sur ce groupe ou ce genre mais il n'en reste pas moins qu'il s'agit sans doute d'un des disques que j'ai le plus écoutés et que je suis le plus content d'avoir découverts durant cette année 2006.
- Liens : Site officiel, MySpace, mon article sur la Blogothèque
- A écouter : The Flow of Seething Visions (mp3)
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Gogol Bordello - Gypsy Punks Underdog World Strike (Side One Dummy)
Tous ceux qui ne sont pas complètement convaincus par le Gulag Orkestar de Beirut mais se sentent néanmoins attirés par les sonorités d'Europe Orientale devraient trouver leur bonheur dans cet album des new-yorkais de Gogol Bordello où violon tzigane, accordéon et accent russe dansent une java endiablée avec le dub (Not A Crime), le punk (le bien-nomme Immigrant Punk), ou même la chanson italienne (Santa Marinella). En écoutant ces 15 chansons, on pense successivement à The Clash, à Nick Cave (première période), à Goran Bregovic ou encore à Sixteen-Horsepower, soit en fait tous ces artistes qui partagent une même capacité à galvaniser l'auditeur, à canaliser en quatre ou cinq minutes une énergie qui dépasse de loin le cadre de la simple chanson, fût-elle l'excitation euphorique d'une beuverie entre amis, la ferveur d'une crise mystique ou l'agitation pleine d'espoir d'une manifestation révolutionnaire (les chansons recèlent une poignée de phrases qui feraient des slogans parfaits : "It's all non-sensical." ou "It's the Underdog World Strike" ou, plus tordu, "Start Wearing Purple for me now"). Peu d'albums de 2006 donnent en tout cas autant envie de sauter sur place ou de se perdre dans un gigantesque pogo extatique. Dommage qu'une série d'imprévus m'ait empêché de les voir en concert car je suppute que le disque, pourtant déjà très bon, ne ferait pas le poids face à une prestation live.
- Liens : Site officiel, MySpace
- A écouter : Dogs Were Barking (mp3), Underdog World Strike (mp3), Not A Crime (video), Start Wearing Purple (video)
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jeudi, janvier 11

SexyBack roots

Etant en train de rédiger ma chroniquette sur l'album de Justin Timberlake, je ne résiste pas au plaisir de vous signaler cette très belle reprise americana de SexyBack par Rock Plaza Central, un groupe que je ne connaissais pas mais que j'ai du coup très envie de découvrir.

- La vidéo (via Pitchfork)

- Le mp3

mercredi, janvier 10

Les albums de 2006 (VI)

Howling Bells - Howling Bells (Bella Union)
Chaque année, je réécoute à cette époque pour mon classement au moins un album du premier semestre dont je gardais un souvenir ébloui et pour lequel je ne parviens pas tout à fait à retrouver mon enthousiasme. Micah P. Hinson l'année dernière, Howling Bells cette année. Entendons-nous bien, il s'agit sans aucun doute pour moi d'un des meilleurs albums de rock à guitares de cette année... mais ce n'est que ça. Alors que j'avais le souvenir d'une musique qui me parlait aux tripes, je me retrouve avec un disque que j'apprécie de l'extérieur, comme un bel ouvrage un peu froid. Ai-je eu le tort de ne plus l'écouter pendant quelques mois et donc de ne pas entretenir mon enthousiasme initial ? Ma découverte de Marissa Nadler (à laquelle on pense parfois en écoutant la voix de la chanteuse de Howling Bells, notamment sur A Ballad For The Bleeding Hearts) a-t-elle bouleversé ma grille d'appréciation ? Peut-être. Cela dit, il me reste le plaisir d'écouter ce qui est indéniablement un excellent disque de rock, que certains qualifient de gothique sans que je comprenne trop pourquoi (la pochette en noir et blanc ? le nom du groupe ?). Pour moi, le point de comparaison le plus immédiat n'est pas Sisters of Mercy mais plutôt le peu que je connais (et aime) de PJ Harvey (pour la voix féminine mise très en avant et qui peut se faire successivement rugueuse et séductrice), Tarnation (pour certaines intonations de country crépusculaire) ou même les Catchers (pour certaines fulgurances mélodiques qui agrippent immédiatement l'oreille, comme sur Velvet Girl), etc... Ce n'est sans doute pas un album qui va remettre en cause la manière dont quiconque envisage la musique mais cela faisait longtemps que, dans le genre, je n'avais plus entendu un disque aussi bien foutu (depuis To Bring You My Love peut-être). Le disque idéal à offrir à votre meilleur ami qui lit religieusement les Inrocks chaque semaine puisque, bien que totalement dans le coeur de cible du journal, il n'est même pas classé dans le top 100 de l'année.
- Liens : Site officiel, MySpace
- A écouter : Broken Bones (mp3), Setting Sun (video)
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Cat Power - The Greatest (Matador)
Cat Power fait typiquement partie de ces artistes dont j'entends depuis longtemps dire le plus grand bien mais sur lesquels je ne me suis jamais vraiment penché. J'ai bien écouté Moon Pix mais n'en garde guère de souvenirs. J'ai aussi vu Cat Power en concert à Roskilde mais j'étais loin de la scène et Iron Maiden jouait juste à côté (je n'ai donc pas vu ou entendu grand-chose). Du coup, l'idée que je me fais de Cat Power résulte plus d'une accumulation d'ouï-dire que d'une expérience personnelle. Si j'en crois ce que j'entends autour de moi depuis des années, Cat Power était jusqu'à récemment une chanteuse américaine sans visage (suite à une coiffure dont la seule fonction était de dissimuler ses traits). Sur scène, elle était systématiquement saoûle et pétrifiée par le trac (ou, dans ses meilleurs jours, seulement l'un ou l'autre). Elle interprétait des chansons folk à la guitare acoustique avec une voix fragile et bouleversante devant laquelle quiconque doué de sensibilité se devait de fondre comme une motte de beurre dans une poêle à crêpes. Les choses semblaient devoir être ainsi figées pour l'éternité. Chaque nouvel album suscitait immanquablement l'enthousiasme des mêmes personnes, qui l'exprimaient immanquablement dans les mêmes termes. Puis, d'un seul coup, en 2006, bardaf, c'est l'embardée. Il semblerait que Chan Marshall ait commis l'affront suprême vis-à-vis de son public de la première heure. Elle semble être devenue heureuse, s'être libérée de ses inhibitions et avoir enregistré de manière très professionnelle un nouvel album avec des grands musiciens de Memphis. Pire, elle s'est mise à esquisser sur scène quelques pas de danse amusés, voire parfois à sourire au public (sacrilège, pour un peu, on croirait voir Yvette Horner). Cela dit, à quelque chose malheur est bon. Cette nouvelle version de Cat Power, si elle a désespéré de nombreux fans, m'a personnellement intrigué et je me retrouve du coup avec un très beau disque de blues-soul-folk classieux (biffer les mentions inutiles) qui n'est pas à 100,000 lieues de l'idée (très vague) que je me fais d'un album de Norah Jones ou de Katie Melua, c'est-à-dire inoffensif et parfait comme musique de fond. Ne me reste plus qu'à creuser les premiers albums pour voir si Cat Power, comme tout le reste, c'était vraiment mieux avant (et surtout ce What Would The Community Think, dont je n'arrête pas d'entendre parler).
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- A écouter : Where Is My Love (mp3)
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The Vines - Vision Valley (Capitol)
The Vines auront tout connu dans leur pourtant courte carrière. Une hype hallucinante (et à ce jour sans égale, dans le NME en tout cas) a précédé la sortie de leur très bon premier album. Le retour de bâton qui s'en est (en)suivi a été d'une férocité inouïe. Certes, leur deuxième album fait de fonds de tiroirs était décevant, surtout après les interviews promotionnelles pleines de fanfaronnades Gallagheresques du genre "Le premier album n'était qu'un brouillon. Vous allez enfin voir ce dont nous sommes capables. blah blah blah..". Pourtant, les membres du groupe méritaient-ils vraiment les tombereaux d'injures qu'ils se sont pris dans la tronche à cette époque ? Pas sûr. Pour ne rien arranger, après une tournée pleine d'incidents en tous genres, le chanteur Craig Nicholls avait été diagnostiqué comme autiste léger (le syndrôme d'Asperger, très à la mode chez les rock-stars), ce qui le rendait inapte à partir en tournée. Une inspiration tarie et l'impossibilité de défendre ses chansons en concert. Le groupe semblait irrémédiablement condamné. J'ai donc été assez surpris d'apprendre au début de cette année qu!il avait enregistré un nouvel album. Mais pour quel public ? A peine cinq ans après leur apparition sur la scène rock internationale, The Vines sont déjà considérés par presque tout le monde comme des has-beens ventripotents qui feraient mieux d'abandonner. C'est dommage parce que ce troisième album est plutôt une bonne surprise. On y retrouve l'alternance, habituelle chez les Vines, de bombinettes punk hurlées (Gross Out, Anysound ou F*k Yeh) et de ballades épiques, qui vous rappelleront selon votre degré d'indulgence David Bowie, Dire Straits, Gary Moore, les Connells ou ZZ Top (comme par exemple le bluffant Spaceship qui clot l'album). Dans le genre "groupes en The", je ne trouve pas que ce disque soit pire que First Impressions On Earth. Cela dit, je ne suis pas forcément très objectif parce que, de tous les groupes apparus à cette époque, The Vines a toujours été mon préféré, loin devant les Strokes, les White Stripes et les autres. D'abord parce que j'aime beaucoup la voix de Craig Nicholls (mon critère ultime), et ensuite parce que là où les autres allaient chercher leur inspiration chez le Velvet Underground, Television ou le blues roots (toutes références qui me parlent assez peu), leur musique est un mélange de Nirvana, des Pixies et de Bowie (ce qui me convient mieux). Je suis donc bien content de les retrouver, et ce d'autant plus que le reste du monde semble s'en foutre éperdument.
- Liens : Site officiel
- A écouter : Vision Valley (mp3)
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mardi, janvier 9

La sélection provisoire...

... de mes albums de préférés de 2006 est sur la Blogothèque. Le classement final risque d'être assez différent (j'ai bêtement oublié de mentionner Gogol Bordello par exemple) mais, un blog sérieux ne pouvant apparemment plus publier de bilan 2006 passé le 15 janvier, j'ai rapidement torché une première ébauche qui a été publiée hier.

PS : Je ne saurais trop vous conseiller d'aller également farfouiller dans les sélections de mes petits camarades. Il y a des bonnes pioches à faire.

lundi, janvier 8

Les albums de 2006 (V)

Sparks - Hello Young Lovers (Gut)
Qui aurait cru que, plus de 35 ans après leur premier album, les Sparks seraient encore capables de provoquer des débats aussi animés ? J'ai déjà raconté ici la révélation qu'avait été pour moi Lil' Beethoven, leur précédent album. J'étais donc très impatient d'écouter ce nouvel album, le premier dont j'aie vraiment attendu la sortie en direct. Je dois malheureusement admettre que, lorsque la première plage de l'album commence, cette impatience est dans un premier temps amèrement déçue. Dick Around est en effet un véritable foutoir, fait de lambeaux de mélodies et d'orchestration qui semblent n'avoir aucun rapport les uns avec les autres. On retrouve en gros les mêmes idées directrices que sur Lil Beethoven : jeu sur les répétitions, orchestrations imposantes, enchevêtrement de thèmes et de contrethèmes (ils doivent être un des rares groupes pop à réellement utiliser les techniques du contrepoint), mais rien ne fonctionne. Après un morceau, on sait déjà que ce ne sera pas un des meilleurs albums du groupe. Waterproof est un autre morceau bancal, qui semble n'aller nulle part. Heureusement, l'album contient également quelques sommets qui font très vite remonter l'enthousiasme. As I Sit Down To Play The Organ At The Notre-Dame Cathedral est clairement pour moi le meilleur moment du disque. Russell y chante notamment cette phrase grammaticalement boiteuse mais très drôle : "As I sit down to play the organ at the Notre-Dame cathedral, you know you're gonna get upstaged by Him". Metaphor explique également que "Chicks, dig, dig, d-i-g, dig, dig, metaphors. Use them wisely, use them well. And you'll never know the hell of loneliness.". Cet humour omniprésent fait partie intégrante de la musique des Sparks et permet de faire digérer aux estomacs trop sensibles le caractère un peu "too much" et pour certains assez prétentieux de leur musique. Pourtant, si les compositions des Sparks sont souvent complexes, elles restent très accrocheuses. Je défie quiconque à la seconde écoute de Rock, Rock, Rock de ne pas se sentir obligé de reprendre en choeur : "I will rock, rock, rock, like a mother, like a mother, like a mother.". Donc, en résumé, oui, cet album est sensiblement moins bon que le précédent (mais bon, Lil Beethoven était un pur chef-d'oeuvre) mais une discographie qui couvre plus de trois décennies a le droit de connaître des hauts et des bas et ça me réconforte de savoir que les frères Mael sont toujours bien présents.
- Liens : Site officiel, MySpace
- A écouter : Rock Rock Rock (mp3), Perfume (video)
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Our Brother The Native - Tooth and Claw (Fat Cat)
J'avais découvert le groupe l'année dernière lors de son concert au Fat Cat Festival, où ils avaient été comme un îlot paradisiaque fait de mélodies et de voix douces perdu au milieu d'un océan de bruit. Ecouté sur ma chaîne, la musique de Our Brother The Native perd un peu son rôle de contraste rassurant et ne reste finalement qu'une sorte de CocoRosie au masculin, avec ce que cela peut comporter d'irritant. Voix d'enfants, bruits d'oiseau et nappes de guitare acoustique se mélangent pour former une musique rêveuse et champêtre, sorte de post-rock ambient et ludique. Un disque qui s'écoute avec plaisir mais qui, une fois terminé, ne laisse presque aucune trace.
- Liens : Site officiel, MySpace
- A écouter: Apodiformes (mp3), une video live du Fat Cat Festival
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Mogwai - Mr Beast (Rock Action/PIAS)
J'avais quitté Mogwai en assez mauvais termes. Leur album studio précédent (Happy Songs For Happy People, 2003) me semblait à la limite du désastre. Le groupe avait entièrement perdu la rage de ses débuts sans avoir tout à fait osé se recycler dans la musique finement ciselée qu'ils étaient pourtant capables de produire. Que ce soit sur disque ou en concert, leur musique sonnait faux, comme s'ils se forçaient à faire du bruit sans trop y croire, pensant que c'était tout ce que l'on attendait d'eux. Pour tout dire, je considérais le groupe comme complètement fini. J'avais tort. Cet album, sorti au premier semestre (ils en ont sorti un autre depuis, j'y reviendrai), présente un groupe au meilleur de sa forme, semblant avoir enfin retrouvé la recette-miracle qui leur permettait sur Come on Die Young ou Rock Action de concilier un sens très sûr de la mélodie avec les brusques variations de volume qu'ils affectionnent. L'album commence par un Auto Rock en forme de long crescendo où une mélodie au piano se voit progressivement adjoindre des coups de butoir de basse et de percussion. Le morceau suivant, Glasgow Mega-Snake, est irrésistible et représente à mon avis ce qu'ils ont fait de mieux dans le genre "déluge de guitares". Celui qui suit est une sorte de ballade au vocoder. Tout l'album oscille ainsi entre ces deux pôles typiquement Mogwaiens que sont le bruit (la fureur) et le calme (la suspension), mais il le fait avec une maestria et un naturel auquel le groupe avait cessé de nous habituer. Il faut reconnaître que l'album s'essouffle un peu dans la seconde moitié (au moins jusqu'au We're No Here final), mais je suis tellement content de retrouver le Mogwai que j'aime que je suis tout prêt à faire comme si de rien n'était.
- Liens : Site officiel, MySpace
- A écouter : Glasgow Mega-Snake (mp3), Friend Of The Night (video)
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vendredi, janvier 5

Les albums de 2006 (IV)

Juan d'Oultremont - Bambi is dead (Freaksville)
Juan d'Oultremont est devenu un personnage quasi-incontournable sur la scène médiatique belge en multipliant les casquettes : télévision, radio, arts plastiques (paraît-il), parolier (les textes de la plupart des chansons connues de Philippe Lafontaine sont de lui) et maintenant chanteur. Ce mini-album a en fait été produit sous l'impulsion de Benjamin Schoos, alias Miam Monster Miam (que d'aucuns appellent le Beck de Seraing), avec la participation de Jérôme Mardaga (alias Jeronimo) et Sophie Galet (alias Sophie Galet), le tout à 250m de chez moi. Le charme (et la limite) de ce disque est que l'on n'en sait jamais exactement à quel degré le prendre. La production est trop soignée pour qu'on évacue le disque d'un revers de la main comme une simple blague potache, mais l'ambiance générale est suffisamment déconnante pour que les limites (réelles) de l'exercice paraissent accessoires. Si mes oreilles ne sont pas encore en trop mauvais état, une chanson semble ainsi dire : "Mon ami Judas est un bandit sans foi ni loi. Avec son pote Adolphe, il lâche des pets sous les bras.", ce qui permet à peu près de situer l'esprit général de l'entreprise.
Je ne sais pas trop comment Juan d'Oultremont le prendrait mais on pense parfois à certaines (bonnes) chansons tardives de Richard Gotainer (Pipeau ou Les beaux seins de Cathy par exemple seraient parfaits dans la BO de Rendez-vous Au Tas De Sable') qui auraient été réécrites par un adolescent rigolard. Dans mon esprit, c'est plutôt un compliment. Musicalement, je dirai juste que l'on navigue quelque part entre des archétypes de boogie-blues et une sorte de lo-fi bricolo. Au bout du compte, ce mini-album, qui aurait pu être embarrassant, se révêle assez réussi.
- Liens : Sites officiels de Juan d'Oultremont et de Miam Monster Miam, interview et session acoustique dans Vox.
- A écouter : Peur de Bambi (mp3)
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The Pipettes - We are the Pipettes (Memphis Industries)
Le son et la production des Pipettes fait immanquablement penser à Phil Spector, aux Shangri-Las et à toute cette bubblegum-pop américaine dont je ne sais à vrai dire pas grand-chose. Des lignes de violon aux "doo doo wap" des choeurs, tout est fait pour recréer en laboratoire une sorte d'archétype de pop primitive. Pull Shapes est sans aucun doute un des singles les plus irrésistibles de cette année. Difficile de l'écouter sans imaginer, en noir et blanc, des garçons à col roulé et des filles en jupe à carreaux, coiffés au bol ou avec des couettes et tapant des mains en se dandinant d'un air un peu gauche. En tant qu'exercice de style, cet album est un triomphe. Bien sûr, toute l'imagerie des Pipettes est à peu près aussi spontanée qu'une standing-ovation du public dans une émission d'Ardisson et le caractère manipulateur de ce plan marketing aux petits oignons peut irriter. Des robes à pois aux clips, tout semble avoir été conçu en fonction de cette seule option rétro-ironique, ce qui les rend un pru trop unidimensionnelles (même si certains voient dans les paroles une salutaire entrerprise sous-jacente de subversion féministe). Tout cela ne serait pourtant pas très grave si l'album était complètement à la hauteur de ses ambitions. Malheureusement, bien qu'il n'y ait rien à redire sur la production (qui remplit parfaitement son rôle de machine à remonter le temps), il me semble qu'il y a très peu de chansons à la hauteur de Pull Shapes sur l'album (We Are The Pipettes, Sex et ABC peut-être). Si les Pipettes sont indéniablement parvenues à réaliser le pastiche parfait d'un album des années 60, elles ne sont à mon avis pas complètement parvenues à réaliser un grand album de pop des années 60. Je ne suis pas sûr que cet album, s'il était sorti à l'époque, serait parvenu jusqu'à nous comme un classique.
- Liens : Site officiel, MySpace
- A écouter : Sex (mp3), Pull Shapes (video)
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Junior Boys - So this is goodbye (Domino)
Ces deux canadiens m'avaient fait découvrir avec leur premier album une autre manière de faire de la musique électronique et ils poursuivent ici dans la même veine. Le tapis sonore est souvent assez minimaliste et ne contient que très peu de notes tenues, ce qui donne à leur musique une sonorité assez sèche (même si l'extrait que je vous propose est un peu l'exception à cette impression générale). Pourtant, cette option de dépouillement est contredite par un chanteur dont les intonations expriment une forme de lyrisme désespéré. Le résultat est régulièrement formidable (sur In The Morning et So This Is Goodbye par exemple) mais l'album est sans doute pour moi un peu trop homogène et pâtit, sans doute injustement, de la concurrence de Hot Chip qui, sur un canevas pas très éloigné, a sorti un album beaucoup plus immédiat (ce qui n'empêche pas So This Is Goodbye d'être régulièrement cité dans les tops de l'année outre-Atlantique).
- Liens : Site officiel, Myspace
- A écouter : So This Is Goodbye (mp3)
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mercredi, janvier 3

Les albums de 2006 (III)

Dominique A - L'horizon (Olympic)
Bien que La Mémoire Neuve était déjà une fabuleuse collections de chansons et Remué un impressionnant concentré de bile et de rage, ce nouvel album (qui arrive après les décevants Auguri et Tout Sera Comme Avant), me semble marquer l'apothéose du développement de Dominique A en tant que chanteur et compositeur. A l'entendre ici, j'ai l'impression que, après plus de 15 ans, il a accepté de se revendiquer comme musicien, et ose enfin employer tous les outils de son art, notamment l'emphase et le lyrisme. La chanson qui ouvre l'album (et lui donne son nom) est parcourue d'un souffle épique que je n'avais jusque là jamais retrouvé dans son oeuvre. Cette nouvelle confiance me semble manifeste tout au long des 11 chansons qui composent ce disque. L'avant-dernière, Rue des Marais, est même une sorte de chef-d'oeuvre, qui sonne (pour donner une idée) comme un long développement autour de la première moitié du Exit Music For A Film de Radiohead. Les bourdonnements de guitare dans la seconde moitié, notamment, me font frémir de plaisir.
Presque chaque chanson sur cet album "sonne" juste, comme si l'interprète Dominique A (avec l'aide de ses musiciens) avait enfin trouvé un terrain d'entente avec le compositeur-parolier Dominique A. Je pourrais évidemment pinailler sur quelques points de détail. Ainsi, le break vaguement rock dans Retour Au Quartier Lointain aurait pu être mieux amené et les paroles de La Relève me semble s'égarer sur la fin dans la poésie de bazar (ou alors je suis irrémédiablement imperméable à la poésie, ce qui est très possible). Pourtant, face à une telle réussite, ce serait mesquin. Je me demande comment ce disque a été reçu à l'époque de sa sortie il y a quelques mois parce que, quand on y réfléchit, ce n'est pas forcément simple d'être un chanteur français "indépendant" (entendez par là biberonné et révélé par les Inrockuptibles). Regardez ce pauvre Miossec qui, pour avoir osé mettre des "papadadam" dans son single La Facture D'Electricité s'est retrouvé accusé par ses fans de la première heure d'avoir vendu son âme à la variété. Comme L'Horizon paraît à mon esprit formé par la pop plus immédiatement accrocheur (Dans Un Camion est une sorte de tube, non ?) que ses premiers albums, je ne peux m'empêcher de me demander si Dominique A s'est retrouvé accablé du même reproche. Je n'ai pas vraiment l'impression qu'il fasse ici un musique de variété, mais si c'est le cas, j'en redemande.
- Liens : Site officiel
- A écouter : Rue des marais (mp3)
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Lisa Gerrard - The Silver Tree (Rubber Records/EMI)
Depuis que je tiens ce blog musical, je n'ai jamais eu autant l'impression de me mettre à nu que lorsque j'ai tenté d'expliquer ce que représentait pour moi la musique de Dead Can Dance. C'est une évidence pour moi que Dead Can Dance était, est et restera mon groupe préféré, même si je les écoute à présent beaucoup moins. On pourrait presque dire que je n'ai plus besoin d'écouter les disques du groupe pour les apprécier. Il suffit que je me remémore mes écoutes passées pour être envahi par les sensations qui étaient les miennes à l'époque, presque comme un réflexe Pavlovien.

Les deux précédents albums solo de Lisa Gerrard avaient été des déceptions à des degrés divers. Je suis d'ailleurs convaincu que la magie de Dead Can Dance provenait en grande partie de son interaction avec Brendan Perry, dont le côté troubadour bourru parvenait à ancrer dans la réalité terrestre ses envolées les plus éthérées ou mystiques. De plus, j'ai un peu vécu la spectaculaire redécouverte de la religion par Lisa Gerrard comme une trahison personnelle (surtout manifeste à l'époque de Immortal Memory et de la sortie du film de Mel Gibson). Je tenais férocement à cette idée que la musique de Dead Can Dance n'était pas, comme on me le répétait souvent à l'époque, de la "musique d'église" mais était au contraire la porte d'accès vers une transcendance qui n'avait rien à voir avec les religions établies. Ecouter des morceaux comme Cantara, The Host of Seraphim ou Black Sun, avec ce mélange de violence et de beauté qui caractérise la musique du groupe, m'obligeait à me poser des questions. La musique de Lisa Gerrard en solo tendait plutôt à m'imposer des réponses.

Cette évolution dans la manière dont Lisa Gerrard semblait envisager sa musique (si on en croit les interviews en tout cas) s'était en plus accompagnée selon moi d'une nette panne d'inspiration. Un disque comme la BO de Whale Rider par exemple ne contenait pas une seule bonne idée de chanson. Sur Duality et Immortal Memory, des albums pourtant plus accomplis (et où, de manière très révélatrice, elle se sentait obligée d'être épaulée par des compositeurs extérieurs), Lisa Gerrard me semblait trop souvent se contenter de marmonner quelques notes sans ligne mélodique sur des nappes de synthé new-age qui rappelait plus directement Enya que Aion. Sûre, à juste titre, du pouvoir évocateur de sa voix, elle semblait vivre dans l'illusion que cela suffisait à faire un album. A mon avis, elle se trompait et c'est un soulagement pour moi de voir qu'elle semble avoir tourné le dos à cette absence d'ambition (peut-être est-ce d'ailleurs une conséquence de la tournée de Dead Can Dance en 2005, au cours de laquelle elle se serait apparemment retrouvée en lutte ouverte avec Brendan Perry sur la manière dont les chansons de Dead Can Dance devaient sonner).

The Silver Tree est pour moi l'album du retour en grâce, même si je ne suis pas sûr de pouvoir expliquer concrètement pourquoi. Bien que rien ici ne rappelle les transes que pouvait provoquer son travail avec Dead Can Dance ou les dissonances délicieusement malaisantes de The Mirror Pool, j'ai l'impression d'y retrouver une attention à la construction des morceaux, une envie de les faire évoluer dans le temps et de ne plus se contenter de ressasser une forme unique. Un morceau comme Towards The Tower, par exemple, est d'autant plus cinématographique pour moi qu'il ne ressemble guère à ses précédentes musiques de film. Durant 10 minutes, on y passe d'une atmosphère à l'autre comme un film passe d'une scène à l'autre, du calme à la tempête, de l'ombre à la lumière, du sourire aux larmes. Autre exemple de diversification, Space Weaver est une curieuse expérience trip-hop qui ressemble de manière troublante à ce que Liz Fraser avait déjà fait avec Massive Attack. Elle a de plus la bonne idée d'y chanter en anglais, ce qu'elle devrait à mon avis faire plus souvent.

Je pourrais continuer à énumérer ces raisons qui me semblent prouver que The Silver Tree marque une renaissance de son inspiration mais je ne suis pas sûr que cela soit très utile. Il n'est d'ailleurs pas impossible que certains d'entre vous ne voient aucune différence fondamentale entre cet album et les deux précédents. Peu importe au fond. Que ce soit elle et/ou moi qui ayons évolué, je me retrouve à nouveau en phase avec l'héroïne de mon adolescence. Pourvu que ça dure.

- Liens : Site officiel
- A lire : l'interview de Lisa Gerrard dans le numéro de décembre de D-side, même si on n'échappe pas à quelques clichés vaguement new-age sur la vie, l'art, l'inspiration et le reste
- A voir : le DVD Sanctuary (commandé mais toujours pas regardé)
- A écouter : Abwoon (mp3)
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lundi, janvier 1

Les albums de 2006 (II)

Bodies Without Organs (BWO) - Halcyon Days (Capitol/EMI)
BWO est le nouveau groupe d'Alexander Bard, la tête pensante de Army of Lovers, célèbres pourvoyeurs de pop kitsch durant les années 90. Il faut pour rentrer dans ce disque une grande résistance aux maniérismes pop les plus éculés : la montée d'un ton dans la reprise du refrain, les synthés clinquants, les mélodies qui en font toujours un peu trop (voir We Could Be Heroes pour un florilège éclatant de ces tics de composition), le chanteur à boucles blondes et yeux bleux qui chantent des ballades en serrant les poings et en regardant fixement la caméra,... Heureusement, des années de pratique du genre m'ont appris à passer outre les défauts d'un disque pour pouvoir profiter plus pleinement de ses qualités. Donc, oui, BWO fait de la retro-hi-NRG-cheesy-pop. On ne peut non plus nier que les synthés sonnent comme si on venait de les ressortir d'un entrepôt où ils auraient pris la poussière pendant 15 ans, loin des progrès techniques et des évolutions du goût du public. Tout cela est vrai mais ne doit pas complètement éclipser le fait que certaines chansons appellent irrésistiblement le dandinement et le chantonnement du refrain, le sourire aux lèvres (Temple of Love, Angel of Night, la reprise vaguement trance d'Obsession d'Army of Lovers et Voodoo Magic, le meilleur titre du premier album, refourgué ici en bonus-track). Ce n'est donc pas un disque que je recommanderais à tout le monde. Beaucoup le trouveront insupportable. D'autres lui trouveront de réelles qualités mais ne pourront pas complètement occulter ses défauts les plus manifestes (les trois plus mauvaises chansons de l'album sont VRAIMENT mauvaises). Ces derniers, dont je suis, se retrouvent donc face à un parfait exemple de ce qu'on appelle habituellement les plaisirs coupables. Et c'est ça qui est bon. Allez, tous en choeur : "Will my arms be strong enough to take you through the night?"
- Liens : Site du groupe
- A écouter : Juggernaut (mp3), Temple Of Love (vidéo), Crystal Odyssey, Chariots Of Fire (vidéo) (toutes les trois franchement kitschs), Voodoo Magic (vidéo live)
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Muse - Black Holes And Revelations (A&E/Warner)
Aaah, Muse, le seul groupe dont le nom semble pertinent à tout le monde. Les thuriféraires y verront un hommage aux divinités qui les inspirent (merci Euterpe), les contempteurs une description assez juste de ce groupe de geeks qui font mu-muse avec leurs instruments dans de grands élans masturbatoires. Ca fait quatre albums que la plaisanterie dure.... et je dois avouer qu'elle ne m'a jamais semblé aussi bonne. C'est d'assez loin l'album du groupe que je préfère. Il faut dire qu'ils ont ici le chic pour titiller mes zones sensibles. Le morceau d'ouverture Take A Bow commence ainsi par un hommage assez transparent aux oeuvres de jeunesse pour orgues de Philip Glass. L'étonnamment brillant premier single, Supermassive Black Hole, avec ses falsettos funky et moites, présente des ressemblances plus que troublantes avec le Do Something de Britney Spears. Map of the Problematique sonne exactement comme un remix par Apoptygma Berzerk du Enjoy the Silence de Depeche Mode. Franchement, je serais bien en peine de trouver le moindre défaut aux quatre premiers morceaux de cet album. Certainement pompier, probablement grotesque mais indéniablement brillant. Malheureusement, le groupe ne parvient pas complètement à confirmer sur la longueur. Certes, le riff d'entrée d'Assassin est une tuerie absolue et les accords Tchaikovskiens de Hoodoo peuvent provoquer un sourire indulgent mais les morceaux calmes sont vraiment trop insignifiants et une certaine lassitude finit par s'installer après le huitième morceau. Est-ce pour cela que Knights of Cydonia, que de nombreux commentateurs présentent comme le morceau de bravoure de l'album, me paraît complètement anodin ? Peut-être. N'empêche que, si on se limite à quelques morceaux-phares, on peut trouver dans cet album un EP que certains auront vite fait de qualifier de génial. C'est un peu le même problème que pour Wolfmother, le groupe australien dont le Dimension EP était quasi-parfait mais dont l'album paraît interminable.
- Liens : Site du groupe, Myspace
- A écouter : Take A Bow (mp3), Supermassive Black Hole (vidéo), Assassin (vidéo live)
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The Moutain Goats - Get Lonely (4AD)
Ca doit bien faire le quatrième ou le cinquième album du groupe sur 4AD. Label oblige, je me suis senti obligé de les écouter tous, et l'ai toujours fait avec un a-priori très positif. Pourtant, l'enthousiasme maximum que je sois jamais parvenu à réunir pour la musique de John Darnielle est un dubitatif "Mouais, c'est sympa." (c'était pour le précédent album, à mon avis le meilleur). En fait, dans le genre (anti-)folk vaguement minimaliste, il me semble qu'il existe des artistes autrement plus passionnants (de Micah P. Hinson à Smog par exemple). The Mountain Goats souffrent un peu selon moi d'une voix un peu trop passe-partout et d'une production trop rudimentaire... Les chansons sont souvent attachantes (New Monster Avenue notamment), mais à la fois trop chétives pour convaincre sur leurs qualités musicales propres et trop sûres d'elles-mêmes pour que leur simplicité émeuve. Si vous ajoutez à cela que j'ai acheté cet album en partie parce qu'on m'avait dit que Scott Walker l'avait produit (ce qui est faux, bien évidemment), vous comprendrez que je me sente un peu floué.. mais bon, c'est toujours ça de pris pour la collection 4AD que je menace depuis longtemps d'entreprendre.
- Liens : Site officiel, Myspace
- A écouter : Maybe Sprout Wings (mp3)
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