vendredi, décembre 2

Many Fingers et Matt Elliott à la Soundstation, 30 novembre 2005

Je gardais de mes écoutes de The Third Eye Foundation (dans ma période "pas de salut en-dehors du post-rock" en 1998) le souvenir d'une musique claustrophobique et assez oppressante (bien que ma réécoute hier de You Guys Kill Me m'a fait relativiser cette impression). Les deux albums solo de Matt Elliott m'ont donc un peu surpris. On y entendait un musique beaucoup plus apaisée et à la limite de la joliesse que je n'aurais jamais a priori associée avec le bonhomme. J'étais très curieux d voir comment cela allait se traduire sur scène.

La soirée commence à 21h10 (ce qui me fait dire que la ponctualité de l'AB à du bon, parfois) par Half Asleep, le projet de la Bruxelloise (?) Valérie Leclercq, dont je gardais un bon souvenir de l'album paru chez Hinah. Forcée de jouer en solo, elle tente de maintenir l'attention d'une salle dont la configuration est assez peu propice à ce genre d'exercice. Je ne sais pas trop si elle y a réussi. N'étant pas vraiment en état de suivre un set de folk languissant, j'ai préféré passer une demi-heure à discuter au bar et ainsi conserver le plutôt bon souvenir qui me restait de leur prestation en duo (au festival Rhaaa Lovely je crois).

Les choses sérieuses commencent avec la montée sur scène de Chris Cole, également connu sous le nom de Many Fingers. Je ne savais pour ainsi dire rien du bonhomme si ce n'est qu'il accompagnait Matt Elliott au violoncelle durant cette tournée mais les échos que j'en avais eu étaient plutôt favorables. Sa musique est basée sur la superposition progressive de différentes couches sonores. Il commence en général par une mélodie au clavier, qu'il met en boucle et à laquelle il superpose ensuite rythmiques à la batterie, lignes mélodiques de guitare sèche ou de violoncelle, effets de voix, etc.., permettant ainsi à la musique d'évoluer au fur et à mesure que de nouvelles couches viennent enrichier ou remplacer les anciennes. Chaque morceau dure environ cinq minutes, au cours desquelles l'atmosphère peut changer du tout au tout, même si l'ambiance générale est dans l'ensemble plutôt rythmée et festive (à la différence du set de aMute au festival Panoptica qui, sur un principe similaire, faisait une musique beaucoup plus contemplative). Il s'agissait pour Chris Cole (et pour Matt Elliott) du dernier concert d'une tournée européenne de plus de deux mois et ça se sentait. Il semblait complètement au bout du rouleau. Ses gestes manquaient parfois de coordination et étaient accomplis avec un étrange mélange de surexcitation et d'extrême lassitude, comme s'il comptait sur un dernier rush d'adrénaline pour le mener jusqu'à la fin de la soirée. Il est finalement parvenu au bout de son calvaire, bien que la synchronisation des différentes boucles ne semble pas être une tâche aisée, ce qui explique sans doute qu'il ait poussé au cours de son set plus d'une quinzaine de hurlements rageurs et jeté à plusieurs reprise ses baguettes et son tabouret sur le sol. A chaque fois, je craignais qu'il abandonne son set et quitte la salle pour ne plus y revenir. Mais non, il a tenu bon, en "parfait professionnel" (selon les termes de Matt Elliott lui-même).

Lorsque Matt Elliott monte sur scène, il semble beaucoup plus détendu que son congénère, discute en très bon français entre deux morceaux, nous gratifiant au passage d'un surréaliste "Vous êtes le meilleur public que l'on ait jamais eu" après deux minutes de concert. Sa musique relève aussi de l'empilement de boucles, ici essentiellement vocales, de telle sorte que l'on pourrait décrire ses morceaux comme des polyphonies à une voix. Le résultat donne parfois l'impression étrange d'être le résulat d'un croisement entre I Muvrini et Yann Tiersen, deux noms que je n'associerais a priori pas à Third Eye Foundation, et fascine par l'écart qui existe entre la simplicité du dispositif scénique (une guitare et un micro) et l'effet obtenu. Le rôle de Chris durant cette partie du concert semble a priori assez faible. Tapi dans l'ombre au fond de la scène, il ajoute simplement de-ci de-là quelques touches de violoncelle (à moins qu'il ne soit également responsable de toute la mise en boucle. Je n'ai pas vu Matt Elliott chipoter à un seul boîtier durant toute cette partie du concert et, pour autant que je puisse en juger, il ne se servait pas de pédales). Cette première partie de "chansons" (le terme est de lui) a confirmé l'impression que m'avait laissé l'écoute de son dernier album, Drinking Songs. Pourtant, à l'instar de ce dernier, le concert s'est conclu par The Maid We Messed, un morceau électro bruitiste d'environ 20 minutes qui rappelle plus directement les travaux passés de Matt Elliot et a plongé les spectateurs dans un agréable état d'hébétude rassasiée. Heureusement qu'il n'a pas fait plus long cela dit car je pense que je n'aurais pas tenu (la Soundstation, avec son sol crasseux et une absence totale de sièges est un lieu de cauchemar pour qui a mal aux jambes). En guise de rappel, il nous a fait écouter le remix oppressant qu'il a enregistré pour une groupe français dont il demande que l'on ne mentionne pas le nom (son mix a été refusé par le groupe). La soirée aurait été presque parfaite si j'avais eu moins mal aux jambes et s'il avait été possible d'acheter Drinking Songs à la sortie du concert mais, même en repartant les mains vides et les jambes lourdes, ça reste une très bonne soirée.

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